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Comme les hirondelles, certains reviennent avec les beaux jours. D'autres font définitivement leur nid loin de la France. Ces oiseaux migrateurs ont entre 55 et 75 ans, sont en pleine santé et désireux de profiter dans les meilleures conditions de leur retraite. Michel et Catherine devraient d'ici quelques mois s'installer dans le sud de l'Espagne. Il ne leur reste qu'à vendre leur maison dans l'Eure. Yves et Christine prennent la route chaque hiver avec leur camping-car. Direction le nord d'Agadir, au Maroc. Depuis cinq ans, si l'on en croit les chiffres de la Caisse des Français à l'étranger, la sécurité sociale des expatriés, le nombre de retraités partant vivre à l'étranger est en augmentation de 20 %. Difficile, néanmoins, de connaître le nombre exact de ces migrants aux cheveux gris. Selon la Caisse nationale d'assurance vieillesse, 1,2 million de retraités résident à l'étranger sur près de 13, 5 millions d'affiliés. Une situation parfaitement légale. Beaucoup sont des salariés d'origine étrangère qui retournent dans leur pays d'origine à l'âge de la retraite. Viennent ensuite des Français qui ont fait carrière à l'étranger et y restent. Enfin, une dernière catégorie, évaluée entre 200 000 et 400 000 personnes, serait bien constituée de ces retraités, en quête de soleil et de vie moins chère, qui passent quelques mois ou vivent hors de France.


VILLAGES, CLUBS DE RETRAITÉS, RESORTS...

Tout est réuni pour que le phénomène se développe. « Aujourd'hui, la plupart des retraités ont déjà voyagé, ils parlent mieux les langues étrangères, sont plus ouverts aux cultures différentes », analyse le sociologue Serge Guérin, spécialiste des seniors. L'allongement de l'espérance de vie joue aussi. « A 60 ans, en bonne santé, vous avez encore 20 à 25 ans devant vous. C'est donc plus facile d'imaginer vivre ailleurs “l'après-midi” de sa vie, quitte à revenir finir ses jours en France. » Surfant sur l'envie d'évasion des seniors, clubs de retraités, villages pour seniors actifs, resorts poussent comme des champignons, notamment au Maroc. Depuis un an, le Portugal fait les yeux doux à cette population au niveau de retraite supérieure à celui des locaux. Le gouvernement espère attirer 20 000 retraités européens d'ici à 2016, et met en avant ses plages, ses 250 jours de soleil, sa cuisine, mais aussi, depuis 2013, l'exonération d'impôts sur les pensions perçues dans le pays d'origine, et ce pendant dix ans. Signe d'un marché porteur, deux jeunes entrepreneurs, tout juste diplômés d'HEC, viennent de lancer « la première agence de migration saisonnière » baptisée L'Hirondelle. L'idée : proposer, moyennant un forfait de 1 200 euros hors frais devoyage, des formules tout-en-un. « On gère l'hébergement, les démarches administratives, le courrier pendant l'absence, le gardiennage des animaux… », explique Mathilde Tenneroni, cofondatrice. Une vingtaine de leurs clients seraient partis au Maroc, en Espagne, à l'Ile Maurice depuis septembre 2013, dont deux définitivement. Leur profil ? Des provinciaux, beaucoup de célibataires ou de couples non mariés, souvent propriétaires, qui viennent tester leur envie de nouveaux horizons.

 

VIVRE CONFORTABLEMENT

La recherche de soleil reste la principale motivation. Sans surprise, le sud de l'Europe et les pays du Maghreb (Maroc surtout, Tunisie moins depuis la révolution) sont les plus prisés. Les retraités y apprécient la présence d'une importante communauté francophone, une population locale qui maîtrise le français, et un coût de la vie inférieur à celui de la France.
Car même si elle n'est pas le facteur principal, la perspective de pouvoir vivre confortablement pèse dans la balance. Michel Adda, 65 ans, installé avec son épouse au Maroc depuis juillet 2012, confirme que son niveau de vie n'a rien à voiravec celui qu'il aurait eu en France. « Pour le prix d'un appartement à Perpignan, nous avons acheté une maison de 120 m2, avec terrain et piscine, pour 180 000 euros. » Avec un budget de 1 400 euros mensuels, cet ancien photographe apprécie « d'être un peu à l'aise », après quarante-quatre années de travail. « Artisan smicard », M. Adda parvenait, quand il travaillait, à partir avec son épouse une semaine par an au Maroc.
Quatre mois après avoir « eu un véritable coup de coeur » pour Dyar Shemsi, un village a 35 km d'Agadir, entièrement conçu pour les retraités francophones, ils s'y installaient. Les courses, la piscine, les restaurants, les invitations chez les voisins occupent les journées. « Si je peux prendre dix ans de belle vie comme ça, je serai content. Après on verra, on ne mourra sans doute pas ici" Partis il y a quatre ans pour la république dominicaine, Myriam et Jean luc Guegen, 60 et 61 ans, ont eux pris un aller simple pour les caraibles. En quête de soleil, ce couple d'entrepreneurs marbriers originaire du Sud-Ouest « savait qu'il ne finirait pas ses jours en France ». Après avoir bourlingué dans plusieurs pays, ils ont vendu maison et commerce, dit au revoir à leurs quatre enfants et huit petits-enfants, leurs parents agès, avant de poser leurs valises face à la mer dans une maison de 210 m2.


« JE RENTRE UNE FOIS PAR AN, ÇA ME SUFFIT »

Fils de militaire, M. Gueguen a toujours voyagé. Le mal du pays, il ne connaît pas. « Je rentre une fois par an, ça me suffit, explique le jeune retraité. Ma femme un peu plus. » Avec 2 500 euros, le couple vit « très bien ». Internet permet de ne pas couper les ponts avec la famille, les amis. Pour compenser le manque de vie culturelle, seul bémol, ce gros lecteur emporte ou se fait rapporter des dizaines de livres. Il a déjà reconstitué une bibliothèque de 600 ouvrages.  Ceux qui sautent le pas ont souvent séjourné plusieurs fois dans leur pays d'accueil ou y ont des souvenirs. C'est le cas de Didier, installé au Maroc depuis un an avec sa femme. Pour ces anciens employés de la Sécurité sociale âgés de 64 ans, le royaume marocain a toujours été une évidence. Né à Casablanca, Didier y a vécu jusqu'à l'âge de 8 ans. Il a pourtant lui aussi préféré le cadre rassurant du village de Dyar Shemsi, où il peut retrouver des compatriotes au détour des ruelles pavées. Il prévient : « C'est une décision qu'il faut assumer. Au début, nous étions un peu perdus, Ce n'est pas évident de se retrouver tout seuls dans un nouveau pays. » A l'âge des cheveux blancs, l'exil ensoleillé n'est pas toujours synonyme de bonheur. « Le départ à la retraite entraîne une perte importante du réseau social,avertit M. Guérin. Un déménagement loin du domicile accentue encore cet effet. » Un paramètre à prendre en compte avant de partir. Car la solitude, même sous les palmiers, peut être douloureuse.